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Actualités bancaires

Les Suisses ne veulent pas d’un compte bancaire auprès de Google & Co

6 février 2019 - Benjamin Manz

Dans le cadre d’un sondage représentatif, le service comparatif en ligne indépendant moneyland.ch a cherché à savoir auprès de quelles firmes la population suisse serait prête à ouvrir un compte ou à conclure une assurance. Résultat: les Suissesses et les Suisses ont de la peine à envisager d’ouvrir un compte bancaire ou d’acheter leurs assurances auprès des géants d’Internet tels que Google, Amazon, Facebook ou Apple & Co.

Les banques et les assurances suisses font face à des vents contraires: elles sont toujours davantage confrontées à la concurrence accrue d’entreprises numériques provenant de l’étranger. A l’avenir, les géants internationaux de la technologie pourraient porter un coup fatal aux banques suisses en proposant également des produits bancaires ou d’assurance innovants – c’est du moins une crainte qui est souvent évoquée. La confiance des consommateurs suisses envers les grandes sociétés technologiques n’est en outre pas plus mauvaise que celle placée dans les banques et assurances helvétiques, entend-on souvent. Mais est-ce que cela correspond vraiment à la réalité?  

Dans le cadre d’une enquête représentative et anonyme réalisée en ligne par Ipsos (auparavant appelée GfK Switzerland) et effectuée auprès de 1500 personnes résidant en Suisse alémanique et romande, moneyland.ch a demandé aux personnes interrogées dans quelle mesure elles peuvent s’imaginer, sur une échelle allant de 1 (pas du tout) à 10 (très bien), avoir leur compte bancaire ou leurs assurances auprès de différentes sociétés.

Aussi bien en matière de compte bancaire que d’assurances, les personnes sondées ont eu la possibilité de choisir entre les différentes entreprises suivantes: les «géants» du numérique Google, Amazon, Facebook, Apple, Tesla, Samsung, Microsoft, Uber; la start-up internationale Revolut; les grandes banques suisses UBS, Credit Suisse, Raiffeisen, la Banque Cantonale de Zurich (Zürcher Kantonalbank), Banque Migros, Banque Cler et Valiant; les grandes assurances helvétiques Mobilière, Axa et Generali. Elles ont aussi pu se prononcer à propos des entreprises suivantes sous la forme de catégorie générale: à savoir, les caisses de pension suisses, les assurances suisses ainsi que les banques helvétiques.

Les Suisses sont sceptiques vis-à-vis des groupes technologiques

Résultat de l’enquête: l’avenir est encore loin d’être si sombre pour les banques et les assurances dans leur lutte face aux géants de l’Internet, comme certains oiseaux de malheur l’ont parfois prétendu. Du moins pas si l’on prend en considération l’avis exprimé par les consommateurs suisses.

«La grande majorité des personnes interrogées ne peut pas ou plutôt mal envisager d’ouvrir un compte bancaire ou d’acheter une assurance auprès de Google, Amazon, Facebook, Apple & Co.», observe Benjamin Manz, le directeur de moneyland.ch. Seulement 23% de la population suisse pourrait « bien à très bien » envisager avoir un compte bancaire auprès d’au moins un de ces géants technologiques, alors cette part se limite à 18% en ce qui concerne l’achat d’assurances. La grande majorité des sondés souhaite continuer d’être clients auprès d’une banque suisse ou d’une assurance.

Google n’est pas vu comme une alternative aux banques ou aux assurances

Google est toujours cité dans les conversations comme un possible futur concurrent des banques et des assurances. Pourtant, il semble peu probable que cela devienne le cas prochainement. Seuls 14% des sondés indiquent pouvoir «bien à très bien» imaginer ouvrir un compte bancaire auprès de Google, tandis que 72% d’entre eux n’envisagent «pas du tout ou plutôt mal» de pouvoir le faire. Pour les assurances, les proportions sont similaires: seuls 11% des sondés peuvent s’imaginer acheter des assurances auprès de Google, tandis que 77% ne l’envisagent «pas du tout ou plutôt mal».

Grand scepticisme envers Facebook

Le fait que les applications des médias sociaux puissent aussi proposer des services financiers a déjà été démontré par l’exemple de prestataires chinois tels que WeChat. Facebook risque d’avoir plus de difficultés à franchir ce pas. En Suisse, Facebook est avec Uber considéré comme l’alternative aux banques et aux assurances la moins appréciée. Seulement 6% de la population suisse indique pouvoir «bien à très bien» imaginer avoir un compte bancaire chez Facebook, alors que cette part atteint également 6% du côté des assurances. 

Un compte bancaire chez Apple? Plutôt pas!

Avec Apple Pay, Apple a déjà réussi à mettre un pied dans le domaine des services financiers. Avoir un compte bancaire chez Apple se heurterait néanmoins encore à la réticence des Suisses: seuls 12% d’entre eux peuvent bien à très bien envisager de le faire. S’agissant des assurances, c’est encore pire: moins d’un dixième (9%) des sondés peuvent se faire à l’idée de conclure une assurance auprès d’Apple.

Amazon n’est pas non plus désiré comme banque ou assurance

Plus fréquemment que pour Facebook, Google et Apple, Amazon est vu par les experts comme un futur concurrent susceptible de faire trembler les assureurs et les banques. Du point de vue des consommateurs suisses, Amazon ne dispose toutefois pas de bonnes cartes pour servir d’alternative aux banques ou aux assurances. 80% des sondés ne peuvent «pas du tout ou plutôt mal» s’imaginer Amazon comme une alternative aux banques. S’agissant des assurances, cette part atteint respectivement 82% et 7%.

Microsoft, Samsung, Tesla et Uber

Parmi toutes les firmes technologiques prises en compte, Uber se voit attribuer la plus mauvaise note.

Manifestement, les Suissesses et les Suisses ne peuvent que difficilement imaginer avoir un compte bancaire ou conclure des assurances auprès d’une entreprise de taxis et de transport: seule 4% de la population indique pouvoir «bien ou très bien» envisager d’ouvrir un compte bancaire auprès d’Uber. La part de ceux pouvant s’imaginer de conclure une assurance chez Uber ressort aussi à 4%.

La situation n’apparaît pas beaucoup plus favorable pour d’autres géants des technologies comme Microsoft, Samsung et Tesla. Seuls 11% des sondés indiquent pouvoir bien à très bien s’imaginer avoir un compte bancaire chez Microsoft, alors que cette part atteint 9% pour Samsung et seulement 8% pour Tesla. En tant qu’alternative aux sociétés d’assurance, Samsung n’entre en ligne de compte que pour 9% des sondés, alors que cette part atteint 9% chez Microsoft et 8% chez Tesla.

Les start-up fintech internationales n’ont toujours pas la tâche facile

Certaines fintechs internationales ne disposent pas de meilleures cartes que les géants des technologies lorsqu’il s’agit de ravir des clients aux banques et aux assurances – du moins, s’agissant de la confiance que les consommateurs suisses leur accordent. Le cas de la start-up internationale Revolut, qui sert d’alternative aux banques et distribue aussi des produits d’assurance, le montre de manière exemplaire, en dépit du fait que cette société est déjà relativement connue en Suisse. Malgré cela, seuls 6% des sondés peuvent bien à très bien s’imaginer ouvrir un compte bancaire auprès de Revolut. Cette part atteint également 6% en ce qui concerne les assurances.

Comment les banques suisses sont-elles notées?

La grande majorité de la population suisse souhaite continuer de garder ses comptes bancaires auprès d’une banque suisse. Seuls 5% des sondés indiquent ne pas envisager d’avoir un compte auprès d’une banque helvétique, s’ils en avaient le choix. En revanche, 86% peuvent bien à très bien s’imaginer en avoir un.

Les valeurs attribuées aux différentes banques sont aussi intéressantes à considérer: pour la banque Valiant active sur un plan plutôt régional, seuls 29% des sondés indiquent pouvoir bien à très bien s’imaginer avoir une compte bancaire auprès de l’établissement, alors que cette part atteint 33% pour la Banque Cler, 49% pour la Banque Cantonale de Zurich, 50% pour Credit Suisse, 51% pour UBS, 58% chez PostFinance, 60% pour la Banque Migros et même 71% s’agissant de Raiffeisen. Manifestement, les scandales survenus autour de Raiffeisen n’ont pas encore entraîné une cassure de la popularité dont bénéficie la banque.  

Comment les assurances suisses sont-elles perçues?

Tout comme c’est le cas pour les banques suisses en ce qui concerne les comptes bancaires, les assureurs obtiennent les meilleures notes lorsque l’on interroge les consommateurs pour savoir auprès de quelle entreprise ils souhaiteraient conclure leurs assurances. Seuls 8% des sondés indiquent qu’ils ne souhaiteraient pas acheter leurs assurances auprès d’un assureur helvétique. En revanche, 78% d’entre eux peuvent très bien à très bien l’envisager. En considérant les différentes entreprises de manière séparée, ces valeurs sont plus basses: 50% des sondés peuvent bien s’imaginer avoir une assurance auprès d’AXA, alors que cette part atteint également 50% pour la Mobilière et 44% du côté de Generali.

Des différences selon les régions et le sexe

En matière de comptes bancaires et d’assurances, les personnes habitant en Suisse romande se montrent plus sceptiques envers les géants technologiques que les Alémaniques. Il en va de même lorsque l’on prend en considération la dimension de la population urbaine par rapport à celle de la campagne: les campagnards se montrent moins ouverts envers les géants d’Internet pour servir d’alternatives aux banques et aux assurances que les urbains, tout comme les femmes le sont moins que les hommes. 

Les jeunes sont plus tolérants envers les firmes technologiques

Les plus grandes différences apparaissent en fonction des catégories d’âge: les sondés appartenant aux tranches d’âge les plus jeunes se montrent nettement plus ouvertes envers Google, Amazon, Facebook, Apple & Co que les personnes plus âgées lorsqu’il s’agit d’envisager ces firmes technologiques comme alternative aux banques et aux assurances.

Exemple: 23% des 18 à 25 ans peuvent bien à très bien s’imaginer avoir un compte bancaire chez Google, alors que cette part tombe à 18% chez les 26 à 49 ans et même à seulement 6% s’agissant des 50 à 74 ans. La situation est semblable du côté des assurances: 20% des 18 à 25 ans peuvent bien à très bien s’imaginer avoir leur assurance auprès de Google, alors que cette part n’atteint plus que 13% chez les 26 à 49 ans et même seulement 4% du côté des 50 à 74 ans.

Dans l’ensemble, 41% des personnes appartenant à la tranche d’âge la plus jeune peuvent bien à très bien s’imaginer avoir un compte bancaire auprès de l’un des groupes technologiques mentionnés, alors que cette part se situe à 37% pour les assurances.

La bancassurance comme alternative?

Il vaut la peine de jeter un coup d’œil à la question de savoir combien de consommateurs peuvent s’imaginer recourir à une banque comme alternative à une société d’assurance - ou l’inverse. 48% des sondés indiquent pouvoir bien à très bien envisager de conclure une assurance auprès d’une banque. A l’inverse, seuls 34% d’entre eux peuvent bien à très bien se représenter ouvrir un compte bancaire auprès d’une assurance suisse. «C’est pourquoi la distribution de produits bancaires pourrait s’avérer plus difficile pour les assurances suisses que pour les banques de distribuer des produits d’assurance», analyse Benjamin Manz. 

La concurrence progresse

Comme l’enquête de moneyland.ch l’a démontré, les banques suisses et les sociétés d’assurance restent, de loin, le premier choix lorsqu’il s’agit respectivement de comptes bancaires ou d’assurances. Les géants internationaux des technologies – dont font partie Google, Amazon, Facebook et Apple (aussi désigné sous le nom de GAFA) – ne sont pas encore pris au sérieux par les Suissesses et les Suisses comme alternative aux banques et aux assurances à l’avenir.

«Les banques et les assurances ne devraient toutefois pas se reposer sur leurs lauriers», juge Benjamin Manz. Les géants des technologies n’ont pas encore lancé les produits bancaires ou d’assurances correspondants en Suisse. De même, le développement d’alternatives aux banques et aux assurances par les fintechs se trouve encore à ses débuts.

«Certaines start-up fintech vont à l’avenir se développer comme des concurrentes sérieuses aux banques et aux assurances», est convaincu Benjamin Manz. Les banques et les assurances suisses sont particulièrement exposées à la concurrence dans le domaine des coûts et de la facilité d’utilisation: ici, des start-up disposant de structures légères pourraient rapidement gagner du terrain si elles proposent des offres significativement meilleures.

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Benjamin Manz est le directeur de moneyland.ch et il est expert indépendant des domaines bancaires et financiers.