Qu'est-ce qu’une chaîne ou un système de Ponzi? Pourquoi appelle-t-on comme cela cette forme d’escroquerie? Et de tels montages financiers sont-ils interdits en Suisse? moneyland.ch fournit les réponses à ces questions dans l’article ci-après.
Qu'est-ce qu’un système de Ponzi?
Un système de Ponzi (appelé «Ponzi scheme» en anglais) est une forme d’escroquerie. Avec celle-ci, les escrocs convainquent leurs victimes de leur confier de l’argent pour effectuer des investissements. En général, ils promettent aux victimes qu’elles obtiendront des rendements élevés tout en supportant des risques faibles. En réalité, ces escrocs ne réalisent toutefois pas du tout de bénéfices ou ne génèrent pas des gains suffisamment importants pour rendre de tels rendements possibles. Une partie du système mis en place consiste ainsi généralement à faire de sorte que les victimes réinvestissent continuellement leur argent, y compris les bénéfices, de sorte que les escrocs puissent disposer librement des montants investis pendant une longue durée.
Et lorsque les investisseurs souhaitent ensuite récupérer leurs gains, les escrocs utilisent l’argent qui a été versé cette fois par d’autres investisseurs pour satisfaire les demandes de remboursement existantes. Un système de Ponzi fonctionnera peut ainsi fonctionner aussi longtemps qu’un nombre suffisant de nouveaux clients investissent leur argent pour financer d'éventuels versements à la clientèle déjà existante. En revanche, lorsque trop d’investisseurs réclament de pouvoir récupérer leur argent (avec les bénéfices promis), le système s’effondre.
Cette forme d'escroquerie est également décrite en anglais au moyen de l’expression «robbing Peter to pay Paul» (soit «voler Peter pour payer Paul»).
Pourquoi appelle-t-on cela une chaîne de Ponzi?
Le système de Ponzi porte le nom de l'escroc Charles Ponzi. Charle Ponzi n'a certes pas inventé lui-même cette forme d’escroquerie mais il est devenu célèbre pour avoir exploité cette arnaque en 1920.
Qui était Charles Ponzi?
Charles Ponzi, qui s’appelait à l’origine Carlo Ponzi, était un escroc italien qui a volé des millions de dollars aux États-Unis en 1919 et 1920 grâce au système de Ponzi qu’il a mis sur pied et qui porte désormais son nom. Il faisait miroiter à ses clientes et clients qu'il réalisait des opérations d'arbitrage avec des fonds d'investissement: il prétendait vouloir acheter en Europe des coupons-réponse de l'Union Postale Universelle qui étaient alors nettement plus chers aux États-Unis. La revente de ces coupons-réponse à Boston devait ensuite lui permettre d’obtenir un rendement.
Charles Ponzi émettait ce que l’on appelait des «billets de Ponzi» et il promettait aux acheteurs que leur argent doublerait au cours d’une période 90 jours. L'offre était bien plus intéressante que les quelques pour cent annuels que rapportaient alors les placements proposés par les banques traditionnelles. La demande était d'autant plus forte et, en peu de temps, Charles Ponzi a commencé à ouvrir des bureaux dans tout le pays afin de recruter de nouvelles clientes et nouveaux clients. Certaines personnes ont placé tout leur argent dans des billets de Ponzi et elles ont même parfois contracté des crédits pour en acheter. Grâce à ces importants afflux de capitaux, l'escroc a pu reverser de l’argent aux investisseurs qui réclamaient leurs gains. Nombre d'entre eux se sont toutefois empressés de réinvestir tout leur argent.
Charles Ponzi n'a toutefois jamais mis en œuvre son concept d’affaires reposant sur des opérations d’arbitrage. Sur le principe, l’activité commerciale proposée par Charles Ponzi, qui consistait à acheter et revendre des coupons-réponse, était possible et elle n’était pas non plus illégale. Toutefois, la manière exacte avec laquelle l'acquisition, le transport et la vente des coupons-réponse pouvaient être mis en œuvre dans la pratique n'était pas claire. En outre, on pouvait se demander s’il était possible d’organiser une telle activité à grande échelle. Pour la mettre en œuvre, Charles Ponzi aurait dû réaliser des millions de bénéfices sur le dos de l'UPU.
Des articles négatifs publiés dans les médias, qui remettaient en question comment la croissance exponentielle des activités de Charles Ponzi pouvait être possible, ont commencé à ébranler de plus en plus la confiance des investisseurs et ils ont fini par attirer l'attention des autorités. Charles Ponzi a certes tenté de faire croire par différentes astuces qu'il disposait de l’argent nécessaire pour tous les montants qu’il devait à ses clients mais il a néanmoins fini par se rendre aux autorités.
Au total, Charles Ponzi avait reçu des fonds de ses clients pour un montant atteignant environ 15 millions de dollars. En tenant compte de l'inflation, cela représenterait plus de 200 millions de francs aujourd’hui. De la somme initiale, il ne restait pratiquement rien lorsque Charles Ponzi a été condamné à cinq ans de prison à la fin de 1920. Par la suite, il a encore été condamné à d’autres peines de prison pour ses agissements en lien avec le système de Ponzi.
Charles Ponzi est certes resté dans les mémoires pour le système de Ponzi qu’il a mis en place. A côté de cela, il s’était aussi rendu coupable d’autres délits de façon répétée, aussi bien avant et après cette affaire, et il avait déjà séjourné à deux reprises en prison en 1920. Plus tard, il a lancé une nouvelle arnaque en Floride, cette fois-ci avec des investissements effectués dans l’immobilier. Il a également été emprisonné pour cette raison, puis il a été renvoyé en Italie en 1934. Charles Ponzi est mort au Brésil en 1949.
Quels sont les exemples modernes de systèmes de Ponzi?
Charles Ponzi n’a été le premier, ni le dernier, à escroquer d'énormes sommes d'argent à des investisseurs grâce à son système. En voici deux exemples:
Le plus grand système de Ponzi de l’histoire financière a été mis en place par Bernard Madoff. Dans les années 1990, le banquier expérimenté et respecté Bernard ou «Bernie» Madoff promettait aux investisseurs des rendements stables d'environ 10% par an. En l’espace de deux décennies, il s’est vu confier des fonds de de la part des clients à hauteur d’environ 20 milliards de dollars américains. Le fonds de Bernard Madoff était devenu si important que d’autres sociétés d'investissement ont également confié une partie des avoirs de leurs clients à l’escroc.
Avec les rendements promis, la société de Madoff devait plus de 60 milliards de dollars à ses clientes et clients jusqu’à 2008. Les versements effectués n'étaient rendus possibles qu’en puisant dans des fonds de clients existants ou dans les nouveaux montants qui lui étaient confiés. Bernard Madoff a aussi mis à profit le fait que de nombreux investisseurs laissaient leur argent investi sur une longue période.
En outre, en tant qu'ancien directeur du Nasdaq, Bernard Madoff avait une grande expérience et il disposait de bonnes relations dans le monde de la finance, ce qui lui a permis de dissimuler longtemps ses agissements illégaux – malgré le fait que les soupçons à son égard aient fini par se multiplier. Son entreprise a même surmonté sans dommage une enquête menée par la Commission de surveillance des opérations de bourse (SEC) aux Etats-Unis en 2006.
Lors de la crise financière de 2007, les investisseurs ont toutefois commencé à réclamer de plus en plus souvent le remboursement de leurs avoirs. Bernard Madoff a compris que son système de Ponzi allait s'effondrer et il a averti fin 2008 deux de ses fils qui travaillaient également pour lui, mais qui, selon leurs propres déclarations, ne savaient rien de la fraude. Ses deux fils ont informé la SEC dès le lendemain. Bernard Madoff a été condamné à 150 ans de prison.
Dans les années 1990, la Suisse a également connu un cas important d’escroquerie basée sur un système de Ponzi: l'European Kings Club (EKC). Il s'agissait d'une organisation créée par Damara Bertges, une ancienne hôtelière allemande. Elle vendait aux membres du club des bons de participation (appelés «lettres») au prix de 1’200 francs l’unité, en leur promettant que ces placements rapporteraient 70% de bénéfices en un an. Il n’y avait pas de modèle commercial pour investir les montants qui lui étaient confiés - les versements effectués aux clients n'étaient possibles que parce que toujours plus de personnes investissaient de l'argent dans le club.
L'EKC était répandu aussi bien en Allemagne, en Autriche qu’en Suisse. Dans notre pays, beaucoup de ces lettres ont été achetées, en particulier en Suisse centrale. Damara Bertges se profilait alors comme la sauveuse des petits investisseurs. Une sorte de culte s’était même formé autour de l'organisation, ce qui a aussi contribué à ce qu’un nombre croissant de membres persuadent d’autres personnes d’investir également une partie de leur argent dans cette chaîne de Ponzi.
Et lorsque les autorités ont commencé à intervenir, de nombreux membres ont interprété cela comme une forme de sabotage. Même après que Damara Bertges a été condamné à des années de prison et qu'il est apparu clairement que l'équivalent de plus d’un milliard de francs avait été perdu, certains membres du club restaient convaincus que le système aurait pu fonctionner sans l'intervention des autorités.
Comment puis-je reconnaître qu’il s’agit d’un système de Ponzi?
En général, on ne reconnaît souvent un système de Ponzi que lorsqu'il a déjà été démantelé – en effet, aussi longtemps que les investisseurs reçoivent les rendements promis et tant que le véritable modèle commercial n'est pas connu, vous ne pouvez jamais être tout à fait sûr de la façon dont il fonctionne. Il existe toutefois quelques signaux clairs qui devraient servir de mise en garde:
- Promesse de rendement élevé sans risque: dans le monde de la finance, il est généralement admis que des rendements élevés s’accompagnent d’un risque plus élevé. Si quelqu'un vous promet un rendement élevé sans grand risque, vous feriez bien de vous montrer sceptique.
- Rendements extrêmement stables: le rendement d’un placement dépend généralement de nombreux facteurs et il est donc sujet à une certaine volatilité. La promesse de rendements constants, qui ne se laissent pas influencer par les fluctuations du marché, peut donc être suspecte.
- Culture du secret: un système de Ponzi repose sur le fait que les investisseurs ne savent pas exactement ce qui est fait avec leur argent. Si un prestataire refuse de vous fournir des informations sur la manière avec laquelle votre argent est investi, il y a lieu de s'inquiéter.
- Pingrerie avec l’argent confié: dans certains cas, il est difficile pour les investisseuses et investisseurs de se faire reverser l’argent qu’ils ont investi. Si vous investissez de l'argent et qu’on vous dit tout à coup que vous ne pouvez pas percevoir les bénéfices promis comme convenu, vous feriez peut-être bien de vous adresser aux autorités compétentes.
- Investissements non réglementés: Si les investissements ne sont pas réglementés par des organes étatiques tels que l'autorité fédérale de surveillance des marchés financiers en Suisse ou la SEC aux Etats-Unis, le risque de fraude pourrait s’avérer être plus important.
La règle générale suivante s’applique: n'investissez pas dans des placements que vous ne comprenez pas. Et lorsqu’une offre semble trop belle pour être vraie, il est possible qu’il s’agisse d’une tentative d'escroquerie.
Un système Ponzi est-il identique à un système pyramidal?
Non. Certes, les systèmes de Ponzi et les systèmes pyramidaux, ou systèmes «boule de neige» comme on les appelle parfois, présentent beaucoup de points commune. Il arrive même que ces deux expressions soient utilisées de façon synonyme. La différence réside toutefois dans le fait que, dans un système pyramidal, les bénéfices promis dépendent du recrutement d’autres personnes. Les victimes se voient donc promettre un rendement si elles parviennent elles-mêmes à convaincre d'autres victimes de participer à ce système.
Certes, dans un système de Ponzi, les bénéfices ne peuvent également être versés aux clients que s'il y a suffisamment de nouvelles entrées de capitaux. Toutefois, deux différences doivent être prises en compte: premièrement, ce lien est dissimulé aux victimes - on prétend que les bénéfices proviennent des investissements effectués. Et, deuxièmement, dans un système de Ponzi, on ne demande pas explicitement aux investisseurs de chercher à leur tour de nouvelles victimes, contrairement à un système pyramidal où c’est le cas.
Du point de vue des escrocs, il est néanmoins souhaitable que le bouche à oreille incite de nouvelles victimes à participer à leur système. Parfois, il arrive aussi que les éléments d'un système pyramidal soient combinés avec ceux d'un système de Ponzi (comme par exemple dans le cas du European Kings Club).
Les systèmes de Ponzi sont-ils illégaux en Suisse?
Oui. Les systèmes de Ponzi sont contraires à la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD). Celle-ci définit entre autres qu'il est considéré comme déloyal pour quelqu’un de fournir des indications inexactes ou trompeuses au sujet de ses prestations. C'est le cas, par exemple, des personnes qui prétendent réaliser un rendement avec de l’argent qui leur est confié, mais qui, au lieu de cela, versent des bénéfices issus de nouveaux apports de capitaux qu’ils ont reçus. En outre, il est déloyal de faire miroiter aux investisseurs des prestations qui leur profiteront avant tout lorsque d'autres personnes peuvent être recrutées.
Toute personne subissant un préjudice économique du fait d’une concurrence déloyale peut intenter une action pour réclamer des dommages-intérêts ou la réparation du tort moral.
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